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Commentaire

La conformité peut nuire à votre patrimoine – 1e trimestre 2016

By Ted Chisholm, portfolio manager
11 avril 2016

« La sagesse enseigne qu’il est préférable pour la réputation d’échouer de manière conventionnelle que de réussir de façon non conventionnelle. »i ― John Maynard Keynes

J’ai récemment regardé un documentaire sur la vie d’E.O. Wilson, intitulé Of Ants and Men.ii Je vous le recommande chaudement si les sciences naturelles et la nature humaine vous intéressent. Wilson, à la fois entomologiste et biologiste, est le père de deux grands concepts scientifiques, soit la sociobiologie et la biodiversité. Le documentaire révèle un Wilson optimiste, engageant, curieux et un honorable gentleman. Comme il semble être l’image même de ce qu’est vieillir en beauté, j’ai voulu en savoir un peu plus sur lui.

J’ai appris que Wilson ne faisait pas l’unanimité et qu’on l’a accusé de racisme, de misogynie et d’eugénique. En gros, la controverse tire son origine de son hypothèse voulant que le comportement humain soit influencé par des forces évolutionnaires – une combinaison de l’acquis et de l’inné – plutôt que d’être uniquement façonné par l’acquis ou les facteurs environnementaux. Cette hypothèse a défié la théorie conventionnelle du comportement uniquement façonné par les expériences, et ce, dès la naissance. Pour cela, il a été attaqué sur tous les plans, tant par ses pairs de Harvard – où il enseignait – que par les athées et les groupes religieux. Wilson a très bien réussi à choquer tout le monde, mais il est resté fidèle à ses croyances fondées sur des observations scientifiques de la nature.

Bien qu’il n’ait pas eu de visée politique, il estimait que ses pairs scientifiques et lui se devaient de mettre en lumière la vérité en faisant fi de la rectitude politique. Je crois qu’il est juste de dire que Wilson a dû se sentir très seul et que ce dût être une mince consolation que de joindre les rangs des grands scientifiques attaqués et persécutés pour leurs croyances, comme Galilée. La poussière a certes pris du temps à retomber. Toutefois, ses théories lui ont finalement permis d’avoir l’honneur de recevoir des prix scientifiques, dont la médaille nationale des sciences aux États-Unis et le prestigieux prix Crafoord de l’Académie royale des sciences de la Suède, ainsi que deux prix Pulitzer. Tout ce que j’ai lu sur lui confirme l’image de l’homme du documentaire : gentil, convenable, réfléchi et vrai gentleman.

Je suis certain que vous vous demandez actuellement en quoi cela a-t-il un lien avec les placements. La réponse, la corrélation est importante. Le marché boursier est le produit de milliers de décisions indépendantes prises chaque jour. Ces décisions découlent de croyances, dans ce cas-ci, la valeur d’une entreprise. Il y a une récompense pour avoir raison et une punition pour avoir tort. Comme investisseurs, nous sentons parfois que nous ne pouvons pas nous tromper, alors qu’à d’autres moments, nous sentons que nous avons tout faux.

À court terme, le marché peut s’avérer particulièrement hostile et nécessiter que vous ayez le courage de vos convictions pour y réussir. Bien que les circonstances et les croyances entourant l’investissement soient complètement différentes de celles de Wilson, le résultat est similaire.

Le marché répond souvent aux réactions à court terme aux activités économiques ou commerciales, alors que les débats sur les croyances portent toujours sur la véritable valeur d’une entreprise selon ces circonstances. Donc, à court terme, les actions montent ou descendent. Ben Graham, le père de l’analyse des titres, l’a si bien exprimé : « À court terme, le marché boursier est une machine à voter, à long terme, c’est un appareil de pesage. »iii En d’autres termes, les prix des actions à court terme peuvent s’éloigner de la véritable valeur des entreprises, mais à long terme, les prix et la valeur convergent. À court terme, cet écart entre le prix et la valeur est souvent provoqué par l’une des plus puissantes forces de la nature humaine, le besoin de se conformer, omniprésent sur le marché. Ce mimétisme est parfois survolté menant à une envolée des prix comme lors de la bulle technologique de la fin des années 1990, parfois il est extrêmement dépressif et provoque un krach boursier comme en 1987. Pour réussir en investissement, vous devez savoir reconnaître les périodes de frénésie comme étant des occasions de vente et les périodes de déprime, comme des occasions d’achat.

Un principe fondamental de la philosophie de placement de Cymbria est sa volonté de sortir du lot. Cela ne veut pas dire que nous tentons d’être différents pour le simple plaisir de la chose. Cela signifie que nous éviterons de nous conformer à la perception populaire d’une entreprise si nous estimons qu’elle est erronée. Nous n’avons certes pas été physiquement attaqués pour nos croyances (nous sommes d’avis que nos investisseurs n’ont jamais eu raison de le faire), mais nous sommes fréquemment appelés à défendre l’idée derrière l’un de nos placements. Plus important encore, notre psyché peut être mise sous pression par les variations quotidiennes du prix des titres des entreprises dans lesquelles nous investissons. Croire qu’il est facile de se sentir bien lorsque la valeur des entreprises dans lesquelles nous investissons recule de 10 %, de 20 %, de 40 % ou plus, c’est de ne pas bien comprendre la nature humaine. C’est mentalement exigeant, dans l’immédiat seulement.

Gregory Berns, professeur de neuroscience à l’Université Emory, vient de mener une expérience confirmant les conclusions de l’étude du psychosociologue Solomon Asch. Seuls 25 % des humains environ ont la capacité de se démarquer du lot.iv Il en est venu à ces conclusions en montrant aux participants une réponse erronée à la question qu’il leur posait. Plus de 40 % du temps, les participants se fiaient à la réponse qui leur était fournie. Par contre, seuls 14 % ont mal répondu à la question, sans qu’aucune réponse erronée ne leur soit fournie. Les êtres humains sont très enclins à se conformer aux autres lorsqu’ils croient être dans l’erreur.

Dans un récent article intitulé Animating Mr. Market: Adopting a Proper Psychological Attitude, le stratège financier Michael Mauboussin citait Berns :

« Nous aimons penser que voir c’est croire, mais, comme l’a dit Berns, les conclusions de l’étude montrent que voir est croire ce que le groupe vous dit de croire. »v

Il est intéressant de mentionner ce que l’étude a aussi révélé sur ce qui arrive au cerveau de ceux qui demeurent sur leurs positions (25 % des participants). Ils ont démontré une activité accrue de l’amygdale, la partie du cerveau qui appelle à agir immédiatement.

La peur est un puissant déclencheur de l’amygdale qui nous pousse à lutter ou à fuir devant une attaque perçue ou une menace à la survie. Ceux qui sont restés sur leurs positions gèrent leur peur de façon très différente de la majorité de la population et méritent de l’admiration en raison de leur capacité à surmonter une fonction si inhérente à la nature humaine.

Fait intéressant, vous observez la même tendance à la conformité chez les professionnels en placements. Le graphique suivant nous révèle que la moitié des portefeuilles sous gestion ne fait rien d’autre que de tenter d’obtenir les mêmes résultats d’indices comme le S&P 500. Bien que la moitié de ces portefeuilles soit gérée de façon « active », il faut noter qu’à peine un peu plus de 20 % sont gérés de façon « très active ». C’est à ce dernier groupe que nous appartenons et nous sommes désireux de gérer des portefeuilles de placements qui ne suivent pas d’indice. Le pourcentage de gestionnaires de placements de cette catégorie est sensiblement le même que le pourcentage (25 %) de non-conformistes révélé par l’étude comportementale mentionnée ci-dessus.

Source : A. Petajisto, « Active Share and Mutual Fund Performance », Financial Analysts Journal v.60 no.4 (juillet /août 2013): 73 – 93.

Pourquoi cela vous importerait-il comme investisseur chez nous? C’est important parce qu’il est prouvé qu’une gestion vraiment active – définie par deux critères précis – ajoute de la valeur. Ces critères sont la portion active et l’erreur de réplication.

La portion active désigne tout simplement le pourcentage de titres d’un portefeuille qui diffèrent de ceux de l’indice de référence. Les fonds ayant une portion active qui se situe entre 60 % et 90 % ont obtenu des résultats supérieurs de 1,6 % à long terme, alors que les fonds à portion active à 90 % et plus déclassaient les autres de 3,6 % annuellement.vi Cymbria avait une portion active de 97 % au 31 décembre 2015.

Source : M. Cremers & A. Petajisto, « How Active is Your Fund Manager? » Yale School of Management, 2006.

Source: M. Cremers et al., « The Mutual Fund Industry Worldwide: Explicit and Closet Indexing, Fees, and Performance, » Social Research Network, 2013.

L’autre critère important dont on parle moins est l’erreur de réplication. L’erreur de réplication exprime la différence entre le rendement d’un fonds et celui de son indice. Une erreur de réplication élevée survient généralement lorsqu’un fonds est surpondéré ou qu’il a parié sur un secteur du marché comme la technologie ou les soins de santé. Le graphique suivant n’illustre que le fait de parier sur des facteurs produit généralement des rendements défavorables au fil du temps. Comme c’est souvent le cas, l’excès nuit en toute chose.

U.S. all-equity mutual funds 1990-2009

Reflet d’un rendement annualisé équipondéré de fonds de placement d’actions américaines pour quatre types de gestion active. Rendements, déduction faite des frais et des coûts de transaction. Exclut les fonds indiciels, les fonds sectoriels et les fonds d’un actif de moins de 10 millions de dollars. Alpha à quatre facteurs calculé selon le modèle Carhart (1997). Source : A. Petajisto, Active Share and Mutual Fund Performance, document de travail, 15 décembre 2010.

Nous nous plaisons à dire que Cymbria est diversifiée par idée d’entreprise et que nous tentons d’éviter que ces idées se chevauchent. L’absence de pari sur les facteurs aide, selon nous, à créer un contexte favorable à une erreur de réplication et espérons que notre approche générera un rendement supérieur à long terme.

Si la récente période de baisse des marchés vous a fait peur, vous n’êtes pas seul. Lorsque le prix des actions chute et fait fuir les investisseurs, environ 75 % de leurs pairs veulent les suivre, selon l’étude de Asch et Burns. Or, bien que l’expérience soit déplaisante, c’est à ce moment que le marché est une machine à voter et que nous, à Cymbria, investissons davantage dans des entreprises qui ont le plus de chances de générer des rendements supérieurs à ceux du marché à long terme. Nous croyons en fait que le marché, au fil du temps, est un appareil de pesage et que la valeur et le prix de l’action de l’entreprise convergeront. Nous croyons aussi que notre capacité à penser différemment est l’un de nos grands atouts concurrentiels.

Notre approche au travail

Depuis la fin de 2011, Alere Inc. a été l’un des titres les plus fortement pondérés à Cymbria. Alere a récemment reçu une offre publique d’achat d’Abbott Laboratories, soutenant notre modèle d’investissement à long terme dans l’entreprise.

Alere est un leader mondial en diagnostics au point d’intervention. Si votre médecin vous a fait passer un test de dépistage du streptocoque et que vous avez obtenu les résultats e 15 minutes, il y a de bonnes chances qu’il s’agissait d’un test Alere. L’entreprise est très stable, ce qui ne donnerait pas à penser que le prix de l’action est volatil; mais il l’est.

Alere est un bon exemple de l’investissement qui se démarque. À de nombreuses reprises au fil des ans, l’incertitude liée au rendement à court terme du titre d’Alere dans notre portefeuille a provoqué une volatilité baissière du prix de son action. Il y a eu deux rappels de produits par la FDA, plusieurs cibles prévisionnelles trimestrielles ratées, une chute de 50 % du prix de l’action, de nombreux reculs quotidiens de 10 %, un investisseur militant qui a accusé le conseil d’ignorer son devoir de fiduciaire en ne dévoilant pas aux actionnaires l’offre présentée à l’entreprise et la démission du fondateur et président directeur général ainsi que d’une bonne partie de son équipe. À quelques reprises, ces événements ont provoqué une vente massive de l’action. Non seulement avons-nous souvent acquis l’action, mais nous en avons augmenté la présence à Cymbria, comme l’illustre le tableau suivant.

Source : Bloomberg LP. Du 5 janvier 2009 au 2 février 2016. En dollars américains. Données sur les pondérations établies au : (1) 16 sept. 2009, (2) 30 sept. 2011, (3) 31 déc. 2012, (4) 10 juin 2013, (5) 1er juill. 2014, (6) 9 janv. 2015, (7) 15 oct. 2015, (8) 28 janv. 2016, (9) 1er févr. 2016.
Depuis l’offre, alors que Cymbria vendait une partie de son placement, le prix de l’action a fluctué.

Étant donné que nous avons une vision à long terme pour Alere, l’incertitude et la volatilité baissière nous ont permis d’accroître substantiellement notre participation dans l’entreprise, et ont ultimement mené à de plus grandes retombées pour nos investisseurs. Croyez-le ou non, nous achetions le titre d’Alere le 28 janvier 2016, alors qu’il était en net recul de 8,7 % depuis la veille et qu’il valait moins de 36 $ en raison de la volatilité du secteur des soins de santé, soit deux jours de bourse avant l’offre d’achat à 56 $ d’Abbott.

Alere illustre parfaitement la dichotomie du marché : machine à voter à court terme, appareil de pesage à long terme. Le prix de l’action et la valeur de l’entreprise peuvent diverger à court terme, mais convergent à long terme. Il y a trois ans, l’action d’Alere valait 18 $; aujourd’hui, un concurrent a estimé qu’elle valait 56 $. Je ne sais pas si le non-conformisme est inné ou acquis, mais dans le cas d’Alere, le résultat a été très positif pour les investisseurs et nous.

Pour connaître le rendement standard le plus récent, veuillez consulter la page des résultats d'investissement.


iJohn Maynard Keynes, The General Theory of Employment, Interest and Money (London: Macmillan, 1936).
iiE.O. Wilson – Of Ants and Men. Réalisation de Shelley Schulze. Washington: Shining Red Productions, Inc. for PBS, 2015.
iiiGraham, Benjamin and David L. Dodd, Security Analysis: Principles and Technique (McGraw-Hill Companies, 1962).
ivSolomon E. Asch, Studies of independence and conformity: A minority of one against a unanimous majority, monographies de psychologie : générale et appliquée, Col. 70(9), 1956, p. 1-70.
vMichael Mauboussin and Dan Callahan, Animating Mr. Market: Adopting a Proper Psychological Attitude, Credit Suisse, 10 février 2015.
viCremers, M. and A. Petajisto, “How Active Is Your Fund Manager?” Yale School of Management, 2006.