Une étude menée par Microsoft Corp. en 2015 a conclu qu’à l’heure actuelle, les humains ont une capacité d’attention de seulement huit secondes, alors que chez les poissons rouges, cette capacité est de neuf secondes! Le rapport de l’étude tient sur 54 pages, alors je ne l’ai pas lu. Ce court paragraphe prend déjà plus que huit secondes à lire, donc j’ai probablement perdu la moitié de mon lectorat humain. Dommage que les poissons rouges soient analphabètes, j’aurais au moins pu attirer quelques lecteurs pendant une seconde de plus. Les humains, quant à eux, sont déjà rendus ailleurs et pensent à leur poisson rouge (l’ont-ils nourri aujourd’hui?), à la série télévisée qu’ils suivaient sur HBO en 2015, à Microsoft ou encore à leur voisin : de quoi peut-il bien avoir l’air nu? Selon des recherches officieuses, la réponse à cette question n’est habituellement guère concluante.
Dans cette étude, la capacité d’attention a été définie comme le temps pendant
lequel une personne se concentre sur une tâche sans être distraite... bon, vous pouvez passer
tout de suite au prochain paragraphe, on y parle d’écureuils.
Oh! Un écureuil!
Heureusement, notre capacité d’attention est plus longue que celle d’un écureuil, qui n’est que d’une toute petite seconde. Elle atteint toutefois quatre minutes si l’écureuil se concentre sur une noisette. Nous aussi dépensons beaucoup de temps et d’énergie à chercher nos « noisettes », et déployons encore plus d’effort pour ne pas perdre notre concentration dans le flot continu de distractions dans lequel nous vivons.
Noisettes
Les distractions sont l’objet de notre commentaire pour les raisons suivantes :
une capacité d’attention de huit secondes n’est pas suffisante pour assurer votre santé financière;
une capacité d’attention de huit secondes signifie que la plupart d’entre vous ne liront pas ce commentaire au complet.
En tant qu’auteur, ça ne me laisse pas indifférent. Je me demande si je peux laisser tomber quelques noisettes dans mon texte pour vous pousser à le lire jusqu’à la fin.
Baisse de 33 %
Nous entretenons peu d’espoir de revenir en arrière afin de remédier à ce déficit. En 2000, notre capacité d’attention était de 12 secondes, ce qui signifie que notre cerveau a perdu 33 % de sa faculté en seulement 15 ans. Selon nos observations, qui n’ont rien de scientifique, cette baisse se poursuit.
D’un point de vue purement objectif, nous ne voyons pas cette perte de capacité d’attention d’un bon œil pour la société dans son ensemble. Par contre, nous avons quelques points positifs à accorder au déficit d’attention, dans le sens où il peut avoir des répercussions favorables pour votre portefeuille.
Le doux son des gazouillis
Comme les discussions sont écourtées et que les gazouillis remplacent la véritable réflexion et les analyses approfondies, de plus en plus d’investisseurs achètent et vendent des titres sans vraiment savoir ce qui compose leur portefeuille.
Des formules toutes faites comme « investir dans un fonds indiciel parce que les frais sont peu élevés », ou encore « investir dans un fonds à faible volatilité parce qu’il comporte peu de risques » ou « acquérir telle action en raison de son rendement » comportent toutes un danger pour ceux dont la capacité d’attention équivaut à celle d’un petit poisson aux yeux globuleux, mais elles peuvent générer des aubaines pour les rares personnes qui sont être capables de pousser leur réflexion.
De toute évidence, la diminution généralisée de notre capacité d’attention fait aussi en sorte d’accroître le taux de roulement sur les marchés boursiers. Les investisseurs qui détiennent des actions pendant des semaines ou seulement pendant quelques mois constituent un partenaire idéal pour ceux qui pensent à long terme. Plus loin nous traiterons de ceux qui oublient de demander à leur cerveau de les suivre partout…
Programmés pour sous-estimer
Un autre petit défaut de notre cerveau : il n’a pas ce qu’il faut pour comprendre la croissance exponentielle. Autrement dit, nous sous-estimons grandement l’ampleur que peuvent prendre les chiffres, ce qui signifie qu’une situation peut prendre une tournure très différente dans l’avenir par rapport à ce que la plupart d’entre nous avaient imaginé.
À titre d’exemple, je vous raconte une histoire qui parle d’un empereur, d’un inventeur, d’un jeu d’échecs et d’une grande quantité de riz. Cette section du commentaire s’inspire d’une de mes lectures, qui s’intitule Le Deuxième âge de la machine : travail et prospérité à l’heure de la révolution technologique. Pour le lire, cliquez sur le lien ci-dessous pour accéder au site permettant de l’acheter. Mais tout d’abord, nous vous invitons à lire le commentaire, qui parle de l’importance d’une grande quantité de riz!
Deux à la puissance (64-1)
Les échecs ont été inventés au sixième siècle dans l’empire Gupta, situé sur le territoire actuel de l’Inde. L’empereur était tellement impressionné par ce jeu qu’il a invité l’inventeur dans son palais et lui a demandé ce qu’il pouvait lui offrir pour le récompenser.
La réponse de l’inventeur était en apparence fort simple : il a demandé du riz pour nourrir sa famille. Il a aussi demandé à l’empereur de placer un grain de riz sur la première case de l’échiquier, deux sur la deuxième case, quatre sur la troisième case, huit sur la quatrième case, et ainsi de suite, afin que chaque case contienne deux fois plus de grains de riz que la précédente.
L’empereur a probablement dit : « Ha Ha! (maintenant on dirait LOL), quelle demande dérisoire pour avoir inventé un jeu aussi fascinant! J’accepte! »
L’inventeur se serait ainsi retrouvé avec une quantité de riz correspondant à 64-1, soit plus de huit trillions de grains de riz. Pour ceux qui ont de la difficulté à visualiser les trillions, l’amoncellement de riz aurait été plus imposant que le mont Everest.
Nous pouvons présumer que la distribution se passait plutôt bien dans les premières cases. Mais par la suite, des têtes sont probablement tombées lorsque le temps fut venu de remplir la deuxième tranche de l’échiquier.
Les choses se sont évidemment gâtées dans la portion restante de l’échiquier.
Fais-moi un dessin
Si nous devions représenter sous forme graphique la croissance exponentielle pendant une période prolongée, nous verrions que tout se passe vers la fin. Pour mieux comprendre, dessinez un échiquier et essayez de calculer le nombre de grains de riz à l’aide d’une calculatrice.
Retournons à la base
La croissance exponentielle de la puissance des ordinateurs survenue au cours des 50 dernières années, comme l’avait prédit initialement Gordon Moore en 1965, est un exemple moderne de la deuxième partie de l’échiquier. De cette théorie découlent les technologies et les produits qui, il y a quelques années, n’étaient que de la science-fiction et dont la création semblait improbable. Par exemple, si la puissance des ordinateurs double encore au cours des deux prochaines années, cette puissance aura atteint un niveau jamais vu; elle sera supérieure à la puissance informatique combinée des 45 premières années d’existence de l’ordinateur.
Il est difficile pour nous d’imaginer pareil scénario. Alors que dire de ses conséquences. L’évolution numérique est apparue soudainement après une progression plutôt graduelle pendant un bon moment.
En quoi est-ce important?
Ce que nous venons de voir permet à une minorité d’investisseurs de saisir des occasions attrayantes de placement, mais elles présentent un gros risque pour la majorité. Pourquoi? Parce que ce type d’avancée jamais vue auparavant expose la plupart des entreprises bien établies à toutes sortes de perturbations. Nous croyons que le rythme de perturbation s’accélère, ce qui vient augmenter le risque pour les propriétaires.
Vive le capitalisme!
Ces perturbations sont l’expression du capitalisme à l’état pur. Elles sont le fruit de la décision des consommateurs d’opter pour le nouveau produit ou service.
Google est de loin supérieur aux Pages Jaunes.
Se battre pour une place de stationnement au centre commercial? Pourquoi ne pas opter pour le magasinage en ligne, dans le confort de notre foyer?
La livraison de votre nouveau livre par drone sera plus rapide et moins chère qu’une livraison par un chauffeur de camion.
En possédant une voiture électrique, vous n’avez plus à perdre du temps à la station-service et obtenez plus de puissance. Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement chez les fabricants de moteurs à combustion interne et de transmissions de voitures ne vous causeront aucun souci, à moins que vous ne déteniez une participation dans ces entreprises par l’intermédiaire de votre fonds indiciel ou pour le rendement que vous en tirez.
De tels changements avantagent le client. Évidemment, pour que ce soit le cas, le client ne doit pas avoir perdu son emploi pour être remplacé par un robot.
Qui perd au change
Ce flot de perturbations et d’émergence de technologies invraisemblables engendrera bien des changements et plusieurs perdront au change.
Les investisseurs se consacreront à trouver ceux qui ressortent gagnants de cette situation, alors qu’il pourrait être plus simple de repérer les éventuels perdants.
Au cours de la prochaine décennie, nous devrons éviter le plus possible ceux qui subissent des perturbations, ce qui aura d’importantes répercussions. Parfois, la façon la plus efficace de faire de l’argent est d’éviter de commettre des erreurs coûteuses. Ne vous détrompez pas : nous ne laisserons pas passer des occasions de placement en or, sauf qu’elles sont plus difficiles à dénicher que des causes perdantes, tout simplement.
Ma clientèle s’en est allée.
Si vous croyez que le magasinage en ligne continuera de percer au détriment de l’achalandage dans les centres commerciaux, n’investissez ni dans des centres commerciaux ni dans des détaillants. Vous pouvez demander aux équipes de direction de ces entreprises de vous faire part de leurs stratégies d’atténuation. Vous pouvez aussi les laisser vous convaincre qu’elles ne seront pas touchées par ces changements, ou, bien sûr, qu’elles s’en sortiront mieux que les autres. Vous pouvez aussi vous tenir loin de tout ça et chercher une meilleure option.
Vous pouvez passer des mois à tenter de déterminer le pourcentage des ventes de distributeurs industriels dans la mire d’Amazon. Ensuite, vous devrez trouver comment chaque entreprise sera touchée par cette mesure. Vous pouvez donner l’occasion à la direction de vous rassurer. Mais vous pouvez aussi éviter toutes les entreprises qui, selon vous, sont exposées au risque, ce qui vous prendra environ 10 minutes. Il n’est pas nécessaire d’avoir réponse à tout. Vous n’avez pas à déterminer l’incidence potentielle d’événements futurs sur chaque entreprise. Vous n’avez qu’à trouver une solution qui vous convient et dont la valeur future est moins incertaine.
Les perturbations ne toucheront pas que les industries auxquelles nous pensons immédiatement, comme les distributeurs, les chaînes hôtelières, les entreprises de câblodistribution, les agences de publicité, les réseaux de télévision, les entreprises de taxi et les détaillants.
Se départir pour mieux régner
Récemment, nous avons cédé notre participation dans Team, Inc. Nous avouons avoir commis une erreur avec ce placement. Nous vous en dirons plus long à ce sujet dans un autre commentaire ou un courriel aux partenaires. La raison pour laquelle nous effleurons la question est que selon, nous, l’une des causes du piètre rendement de l’action de cette entreprise est que celle-ci fait face à des perturbations.
Une grande part de ses activités consiste à fournir des services d’entretien à d’imposantes installations, notamment à des raffineries et à des usines de produits chimiques. Les propriétaires de ces installations sont toujours à la recherche de moyens pour réduire les coûts d’entretien. Par le passé, ils ont confié l’entretien à des sous-traitants, comme Team, dont les employés sont plus efficaces que le personnel interne d’entretien. Tout récemment, nous avons eu des raisons de croire que les propriétaires de ces sociétés avaient recours à la technologie pour remplacer les employés de Team lorsque c’était possible. Les capteurs qui suivent la performance d’un actif peuvent aller presque partout à l’heure actuelle, y compris fouiller dans des zones difficiles à atteindre. Depuis toujours, il était nécessaire de cesser d’utiliser un actif pendant une à deux semaines chaque année en vue de son entretien régulier. De nos jours, avec des capteurs appropriés qui donnent l’information dont nous avons besoin, les actifs sont entretenus seulement lorsque le gentil petit capteur indique qu’il est absolument nécessaire de le faire. Notre participation dans Team présentait d’autres problèmes, mais nous n’avons pas remarqué que les activités d’entretien de l’entreprise avaient déjà subi les premières manifestations des perturbations; c’est là que nous avons commis une erreur.
Toute entreprise qui exerce des activités d’entretien comporte un risque semblable. Certaines d’entre elles apporteront des changements et demeureront rentables. Plusieurs d’entre elles verront leurs bénéfices tirés de leurs activités d’entretien diminuer à l’avenir, étant donné que leurs clients prendront en charge le suivi de la performance de leurs actifs.
Vaut mieux poser de bonnes questions que de donner des réponses incertaines
L’avantage de notre processus de placement est que nous n’avons pas besoin de tout savoir.
Peut-être est-ce parce que nous avons nous-mêmes investi dans nos fonds à raison de 160 millions de dollars (au 31 décembre 2016). Ou parce que notre définition du risque consiste à perdre de l’argent plutôt qu’à se démarquer de l’indice de référence. Peut-être que nous sommes ainsi constitués. D’une manière ou d’une autre, nous tentons de prendre les décisions les plus simples.
Il est illogique de prendre des décisions difficiles lorsque des décisions faciles sont à notre portée. Nous sommes donc très à l’aise de nous concentrer sur les plus simples. À mesure que les technologies numériques évolueront à un rythme effréné, les perturbations se multiplieront pour de nombreuses entreprises. Nous continuerons de nous informer sur l’avenir de chaque société et tenterons d’éviter de poser les questions les plus pénibles.
D’autres décisions difficiles à éviter
Étant donné que de plus en plus de sociétés sont susceptibles de faire face à des difficultés structurelles en raison des perturbations qui s’attaquent à leur modèle d’affaires, nous devrons en éviter plus qu’à nos débuts, il y a de cela neuf ans. Idem pour ce qui est des évaluations.
Nous devrons donc faire face à encore plus de défis au cours des neuf prochaines années. Vos attentes ont-elles changé?
De retour aux huit secondes d’attention
Nous ne sommes pas convaincus que nos investisseurs tireront profit de présentations de huit secondes. Par exemple, le choix d’un fonds indiciel seulement pour bénéficier de frais peu élevés semble pratiquement farfelu si l’on pense aux facteurs négligeables sur lesquels repose cette décision.
Qui s’intéresse au prix des titres détenus dans un fonds indiciel? Je vous le donne en mille : personne. La surévaluation des titres détenus vient-elle réduire votre rendement annuel? Les titres sont-ils surévalués à raison de 5 % ou de 20 %, autrement dit, de 500 ou de 2 000 points de base?
Où se cachent toutes les entreprises qui subissent de façon plus générale et plus rapide que par le passé les affres de la tempête? Roulement de tambour... dans l’indice. Qui s’efforce de trouver les entreprises en difficulté? Personne. Tout a un prix. Mais la majorité des gens n’en ont toutefois plus la moindre idée.
Piste de réflexion
Il est plus important que jamais de s’attarder aux futurs modèles d’affaires et d’y réfléchir convenablement. Cette réflexion doit par contre se faire au moment où notre faculté de concentration diminue, donc personne ne prend le temps d’analyser la situation. Nous croyons qu’à cet égard, nous pouvons vous être utiles. À notre avis, nous sommes en mesure de garder le cap sur le long terme, pour ainsi aller à contre-courant.
Pas de temps à perdre à résumer
Pourquoi écrire un résumé qui prendra plus de huit secondes à lire et qui ne fera que répéter ce que nous venons de dire? Merci encore de votre confiance. Nous mettons tout en œuvre pour la mériter.
Vous voulez approfondir vos connaissances sur les perturbations que la technologie pourrait générer ultérieurement? Voici d’autres ouvrages qui ont donné à Geoff l’idée d’écrire ce commentaire.
The Industries of the Future, par Alex Ross
The Inevitable: Understanding the 12 Technological Forces That Will Shape Our Future, par Kevin Kelly
La quatrième révolution industrielle, par Klaus Schwab
The Future of the Professions: How Technology Will Transform the Work of Human Experts, par Richard Susskind et Daniel Susskind
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